Introduction : un tournant solaire pour l’Algérie
Le 21 avril 2025, le ministre algérien de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables, Mohamed Arkab, a reçu au siège de son département une délégation du géant chinois LONGi, leader mondial des modules photovoltaïques à haut rendement. Objectif : discuter d’un investissement industriel massif pour fabriquer localement des panneaux solaires et développer l’hydrogène vert. L’annonce tombe à point : Alger veut porter sa capacité renouvelable à 22 GW d’ici 2030 et réduire la part du gaz dans le mix tout en libérant des volumes d’export.
- De qualité, robuste, avec protection verre trempé, d’un cadre alu anodisé très robuste.
- La boîte de connexion est multifonctionnelle, avec le câble 90cm.
- Inclus 4 trous de fixation pour différentes solutions d’assemblage.
LONGi : profil d’un champion mondial du PV
Fondé en 2000 à Xi’an, LONGi s’est hissé au sommet du classement BloombergNEF des fabricants de modules « Tier 1 ». L’entreprise détient des records d’efficacité sur les cellules à hétérojonction et investit fortement dans le tandem silicium‑pérovskite. En 2024, son chiffre d’affaires a dépassé 17 milliards $. L’Afrique du Nord est gérée par James Jin, qui supervise aussi le Moyen‑Orient et l’Asie centrale : un périmètre stratégique pour la décarbonation des exportations vers l’Europe.
Les ambitions énergétiques de l’Algérie
Alger a adopté un Programme national des énergies renouvelables visant 13,5 GW de solaire PV, 5 GW d’éolien et 2 GW de CSP à l’horizon 2030. La feuille de route actualisée (février 2025) prévoit la mise en service de 15 centrales photovoltaïques de 200 MW chacune, attribuées pour moitié à des consortiums chinois. L’enjeu est double : verdir 30 % du mix électrique et préserver le gaz pour l’exportation, qui reste la première source de devises.
Ce que propose LONGi
Lors de la réunion, LONGi a présenté son concept « Green Power + Green Hydrogen », déjà testé à Alger en juillet 2024 :
- Lignes de cellules et modules n‑type HPBC (25 % de rendement),
- Usine d’électrolyse alcaline 1 GW/an couplée au parc solaire,
- Centre R&D commun avec le CDER (Centre de Développement des Énergies Renouvelables).
Le groupe offre aussi d’intégrer jusqu’à 60 % de contenu local sur cinq ans, un ratio rare dans les projets MENA.
Pourquoi l’Algérie séduit‑elle les industriels du solaire ?
- Ensoleillement record : plus de 3 000 h/an dans les Hauts‑Plateaux.
- Réseau électrique maillé : boucles 400 kV déjà étendues vers la Tunisie et le Maroc, interconnexion planifiée avec l’Espagne (câble HVDC de 1,4 GW).
- Infrastructures gazières existantes pour produire de l’hydrogène vert à moindre coût de logistique.
- Zone franche de Béchar offrant un taux d’imposition à 10 % sur dix ans pour les équipements énergétiques.
Anecdote historique : le solaire, une vieille idée algérienne
Dès les années 1970, le professeur Toufik Boudjemaa testait des capteurs plans au Centre de recherches de Bouzaréah, tandis que le complexe hybride Hassi R’Mel inauguré en 2011 combinait déjà 25 MW de solaire thermique à une turbine gaz – une première mondiale à l’époque. Avant même cela, le gigantesque projet Desertec (2009‑2014) imaginait d’alimenter 15 % de l’Europe grâce au soleil du Sahara. Si Desertec a échoué, il a laissé une expertise précieuse en ingénierie solaire et en HVDC.
Structurer une filière locale : défis et opportunités
| Segment | Ce qui existe | Ce que LONGi propose |
| Cellules | Aucune production industrielle | Atelier 3 GW/an, transfert de techno HJT |
| Modules | Deux usines d’assemblage (Tlemcen, Blida) : 250 MW/an | Extension à 2 GW/an, automatisation |
| Verre solaire | Verrerie Mila : 300 t/j | Nouvelle ligne extra‑clair 600 t/j |
| Cadres alu | Profilés Helios : 10 000 t/an | Fonderie intégrée + recyclage |
| R&D | CDER, Sonelgaz Labs | Centre d’essais d’endurance en climat aride |
Focus emploi : le projet pourrait créer 1 400 emplois directs en phase 1, dont 35 % d’ingénieurs et techniciens supérieurs.
Hydrogène vert : la carte maîtresse
Avec une ressource solaire abondante et des gazoducs existants vers l’Europe, l’Algérie peut viser un coût de production d’hydrogène vert ≤ 1,50 €/kg d’ici 2030 selon IRENA. LONGi propose un hub de 200 MW d’électrolyse à Adrar, alimenté par un parc PV de 400 MW ; l’oxygène coproduit serait valorisé dans la sidérurgie d’Oran (Tosyali) et l’ammoniacerie d’Arzew.
Retour d’expérience : les EPC chinois au Maghreb
Des groupes comme CEEC, PowerChina ou Jinko ont déjà construit 510 MW de parcs PV en Égypte (Benban) et 200 MW au Maroc (Noor PV I). LONGi, qui a livré 380 MW de modules pour Benban, connaît bien la zone MENA et peut mutualiser la chaîne logistique via Tanger‑Med.
Financement et incitations
Le projet pourrait combiner :
- Fonds publics algériens : la Caisse nationale des énergies renouvelables (CNEREE) dispose de 1,8 Mds $.
- Crédit acheteur chinois via la China Development Bank à taux LIBOR + 1,2 %.
- Prêts verts de la BEI (350 M€) conditionnés à 40 % de contenu local.
Le décret exécutif 24‑108 facilite l’import « en admission temporaire » des lignes de production avant rétrofit local.
Obstacles réglementaires à lever
- Cadre PPA incomplet : absence d’indexation inflation pour les contrats > 15 ans.
- Procédure de visa des équipements encore gérée par l’APRUE, ralentissant les douanes.
- Taux de change multiple : LONGi souhaite un accès prioritaire au guichet officiel pour rapatrier les dividendes.
Impact socio‑économique et environnemental
- Réduction de 2,1 MtCO₂/an (scénario 3 GW PV remplaçant des turbines à gaz de pointe).
- Développement des compétences grâce à un « Solar Academy » intégré : 500 techniciens formés/an.
- Effet d’entraînement sur la filière verre, aluminium et électronique de puissance.
Leçons du passé : de Hassi R’Mel à aujourd’hui
L’échec partiel de la centrale hybride de Hassi R’Mel (taux de disponibilité solaire < 30 %) a montré qu’il fallait des modules adaptés au sable et à la chaleur. LONGi promet des tests IEC 61701 « sable & poussière » renforcés, et son revêtement anti‑reflet nano‑texturé a survécu à 1 000 h de chambre à sable.
Perspectives d’export : l’Europe en ligne de mire
Le règlement Net‑Zero Industry Act voté par le Parlement européen en mars 2025 fixe l’objectif de 40 % de composants « Made in EU or allied » d’ici 2030. Un panneau « Made in Algeria » certifié IECEE et exempté de droits de douane (accords d’association UE‑Algérie) deviendrait un atout pour les EPC européens qui cherchent à diversifier leurs sources hors d’Asie.
Anecdote : quand le Sahara éclairait… la Tour Eiffel
- Puissance maximale (Pmax): 400 W
- Tension maximale à vide (Voc) : 36,9 V
- Courant de court-circuit (ISC) : 13,72 A
En 1881, l’ingénieur français Augustin Mouchot présenta à Paris une machine à vapeur solaire baptisée « Heliopompe » utilisant des miroirs paraboliques. Financée par la colonie d’Algérie, elle pompa de l’eau à Tours avant d’être… proposée pour alimenter l’Exposition universelle ! Une preuve que le soleil nord‑africain fascine depuis plus d’un siècle.
Conclusion : un partenariat gagnant‑gagnant
Si l’accord se concrétise, LONGi donnera à l’Algérie la première mégafactory PV du Maghreb, tout en sécurisant pour Pékin un hub stratégique à la porte de l’Europe. Le succès reposera sur :
- une clarté réglementaire (PPA, change, contenu local),
- des infrastructures logistiques (port‑sec de Tamanrasset, HVDC vers l’Espagne),
- et un transfert réel de compétences.
Plus qu’un simple investissement, c’est un pas décisif vers la souveraineté énergétique et industrielle de l’Algérie – et, peut‑être, le début d’une ère où l’hydrogène vert du Sahara alimentera les usines de la vieille Europe.