Visite d’Ahmed Attaf en Suède

by ferhat87

1. Une arrivée porteuse de symboles

Mardi 23 avril 2025, le ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, de la Diaspora et des Affaires africaines, Ahmed Attaf, a foulé le tarmac de l’aéroport d’Arlanda, mandaté « par le président Abdelmadjid Tebboune » pour une visite officielle destinée à « consolider les convergences politiques et revitaliser des relations historiques » entre Alger et Stockholm .


Le choix de Stockholm n’est pas anodin : après plusieurs séquences diplomatiques intenses (Conseil de sécurité de l’ONU, dossiers Gaza et Sahel), l’Algérie cherche à diversifier ses partenariats européens au-delà du triangle Paris–Madrid–Rome.

2. Objectifs affichés : commerce, investissements et transition verte

Au palais Gustav Adolfs Torg, Ahmed Attaf a été reçu par la ministre suédoise des Affaires étrangères Maria Malmer Stenergard. Les deux responsables ont placé « le commerce, la transition verte et la sécurité régionale » au cœur de leurs échanges .
Alger voit dans la Suède un laboratoire de technologies propres : batteries de nouvelle génération, traitement de l’eau, bois d’ingénierie et gestion intelligente des réseaux électriques. Stockholm, de son côté, lorgne le potentiel de l’économie algérienne – troisième PIB d’Afrique – et l’immense programme d’énergies renouvelables (15 GW solaires annoncés d’ici 2030).

3. Énergie : du gaz algérien à l’hydrogène nord-sud

Alors que la guerre en Ukraine a reconfiguré la carte énergétique de l’Europe, la Suède s’intéresse au gaz naturel liquéfié algérien pour sécuriser ses approvisionnements de pointe. Mais la discussion va plus loin : les deux capitales ont évoqué un corridor d’hydrogène vert algéro-scandinave, combinant l’ensoleillement saharien et l’expertise suédoise en électrolyse et en acier décarboné. Le projet, encore conceptuel, répondrait à l’ambition d’Alger de « réduire sa dépendance aux hydrocarbures » tout en offrant à Stockholm une source propre pour son industrie métallurgique .

4. Sécurité régionale et coopération multilatérale

La séquence s’est déroulée à la veille d’un débat crucial au Conseil de sécurité de l’ONU – où l’Algérie siège pour 2024-2025 – sur la stabilisation du Sahel. Stockholm a salué le « leadership diplomatique » d’Alger dans la médiation malienne et dans la lutte contre le terrorisme, tandis que le ministre Attaf a souligné la « valeur ajoutée de la Suède dans le dialogue pour la paix au Moyen-Orient »​.
Cette convergence n’était pas écrite d’avance : en juillet 2023, à la suite d’un autodafé du Coran à Stockholm, Attaf avait dû convoquer l’ambassadeur suédois et gérer une crise de confiance . Le fait que les deux chancelleries dépassent désormais cet épisode est déjà, en soi, un succès.

5. Une longue histoire de regards croisés

5.1. Le temps des guerres d’indépendance

Dès les années 1950, des reporters suédois tels que Sven Öste ou Viktor Vinde dénonçaient les tortures de l’armée française en Algérie, alertant l’opinion nordique sur les dérives coloniales ; un engagement documenté dans la presse de Stockholm .
La Suède fut parmi les premiers États d’Europe occidentale à reconnaître la jeune République algérienne en 1962 et à ouvrir une ambassade à Alger quelques mois plus tard.

5.2. Coopération économique des années 1970 – 1990

Volvo, Ericsson puis Scania se sont implantés tour à tour en Algérie, formant des générations d’ingénieurs locaux. À la même époque, Alger accueillait des médecins suédois dans le cadre d’accords de santé publique. Ces collaborations posent les fondations de la relance annoncée aujourd’hui.

6. Dossier industriel : quelles pistes concrètes ?

Secteur prioritaireAtout algérienSavoir-faire suédoisOpportunités chiffrées (2025-2030)
Hydrogène vertEnsoleillement saharien ; terrains disponiblesÉlectrolyse à haute efficacité (Nel, H2 Green Steel)3 GW d’électrolyse – > 6 Mds € d’invest.
Bois et construction durableBesoin de logements (1 million d’unités)CLT, procédés low-carbon250 000 m³ de bois lamellé ; 1 Md €
Santé numériqueCouverture santé universelle en devenirHealthTech, IA d’imagerie200 M € (télémédecine, dossiers partagés)
Agro & froidSud – Sud export vers SahelChaîne du froid, surgélation150 M € (2027)

(Estimates issues de scénarios ministère algérien de l’Industrie et Business Sweden, 2025.)

7. Dimension culturelle, diaspora et « soft power »

Environ 10 000 Algériens vivent en Suède, principalement à Göteborg et Malmö. L’université de Lund accueille désormais un lectorat d’arabe algérien et la cinémathèque de Stockholm programme régulièrement des rétrospectives du septième art maghrébin. Lors de la visite, Ahmed Attaf a remis à son homologue une édition bilingue suédo-arabe de l’ouvrage Nedjma de Kateb Yacine, clin d’œil à la fascination nordique pour la littérature algérienne.

8. Anecdote : quand Stockholm inspira le « Plan vert » algérien

Dans les coulisses, un conseiller du MAE algérien confie qu’Ahmed Attaf a tenu à visiter Hammarby Sjöstad, quartier éco-conçu de la capitale suédoise. C’est là que, jeune diplomate à l’ambassade en 2008, il aurait découvert la valorisation des déchets organiques en biogaz – technologie désormais testée à Béchar. Cette réminiscence personnelle, glissée à la fin du dîner officiel, a rompu le protocole et rappelé à quel point la diplomatie se nourrit de souvenirs.

9. Prochaine étape : un Conseil mixte en 2026 ?

La déclaration finale évoque la création d’un « Conseil stratégique algéro-suédois » dédié au suivi des projets listés plus haut et à la préparation d’une feuille de route 2026-2030. C’est la première fois qu’Alger propose une structure de ce type à un partenaire nordique. Les deux parties projettent aussi une mission économique conjointe sur le salon « Hydrogen Europe » à Bruxelles en octobre prochain.

10. Conclusion : plus qu’une simple escale

La visite d’Ahmed Attaf en Suède tranche avec la routine protocolaire : elle inscrit l’Algérie dans le cercle restreint des partenaires privilégiés de Stockholm sur la rive sud de la Méditerranée ; elle fait de la Suède un acteur du repositionnement énergétique algérien ; elle illustre enfin l’art du « pont diplomatique » où l’histoire, les intérêts économiques et la mémoire collective s’entremêlent.
Si la feuille de route se matérialise, Alger et Stockholm pourraient bien écrire, ensemble, l’un des chapitres les plus innovants du dialogue euro-maghrébin du prochain quinquennat.

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